JEUDI 26 MAI 2011 à 20H ☞ « Archipels nitrate », de Claudio Pazienza
« Archipels nitrate »,
de Claudio Pazienza
Belgique, Komplotfilms, 2009, 64′
Grand Prix 2010 du Festival International du Film sur l’Art de Montréal
Des images. Par milliers. Parfois intactes, d’autres fois rayées, virées, presque effacées. Des images qui reviennent à l’esprit de manière incontrôlable. Pourquoi ce plan de « Sayat Nova » de Paradjanov, cet autre de « The great train robbery » de Porter, ce regard de Maurice Ronet dans « Le Feu follet » de L. Malle ? Pourquoi ces images s’incrustent-elles, survivent-elles ? Soustraites à leur récit initial, elles nourrissent – dans « Archipels Nitrate » – une nouvelle partition. Et c’est le lot des images : mémorisées, tout spectateur en fait un usage très intime et détourné. Elles cristallisent en elles – parfois – un monde, une vision du monde.
Ce qui soude, lie une image à une autre est archaïque. En nous, ces images, d’époques et d’écritures différentes, se parlent, s’échangent du sens. Et qu’on le souhaite ou pas, elles parlent toutes de temps. J’aime penser que le « cinématographe » ne s’est occupé que de ça : saisir ce qui n’est déjà plus, injecter une vitesse « virtuose » dans un fragment inanimé et recréer un leurre essentiel. On pourrait même supposer que le « cinématographe » est le premier outil qui nous a permis de jouer avec la mort sans en avoir l’air. D’avoir l’impression d’être regardés par ceux qui sont là, toujours – sur un écran – sans qu’ils soient encore de ce monde. Etre spectateur renouvelle constamment cette expérience du temps, cet être au présent de la projection. Là, à chaque fois, nous sommes « synchrones » au Christ de Pasolini ou à ce personnage féminin de Lars von Trier dans «Breaking the waves », « synchrones » à l’homme esseulé de « Los Muertos » de Alonso. Au cinéma il n’y a que ça : le présent-présent, le présent-passé, le présent-futur (Saint Augustin). (CP, déc 2008.)
« Portrait intime et personnel de la Cinémathèque royale de Belgique (rénovée récemment et rebaptisée Cinematek). Et sur cet écran-là, des éclats du monde, une idée de l’Histoire, de la beauté. Sur cet écran-là, une part congrue d’humanité. Je suis ce que j’ai vu, dixit Matisse. Mais toutes les images vues ne demeurent pas intactes. Et encore moins l’image de soi. Le temps les traverse, les abîme, les martyrise. Et ce délicat épiderme – le nitrate – en est le symptôme. « Archipels nitrate » parle de cinéma et de temps sous la forme d’une partition visuelle et fait coexister une centaine de films au sein d’un seul et même. » (Claudio Pazienza)
Metro : Sentier (L3) ou Les Halles