JEUDI 24 OCTOBRE 2013 à 20 h ▶ 5 caméras brisées, de Emad Burnat et Guy Davidi
5 caméras brisées
de Emad Burnat et Guy Davidi
France/Palestine/Israël – 2011 – 90′
Emad, paysan, vit à Bil’in en Cisjordanie. Il y a cinq ans, au milieu du village, Israël a élevé un « mur de séparation » qui exproprie les 1700 habitants de la moitié de leurs terres, pour « protéger » la colonie juive de Modi’in Illit, prévue pour 50 000 résidents. Les villageois de Bil’in s’engagent dès lors dans une lutte non-violente pour obtenir le droit de rester propriétaires de leurs terres, et de co-exister pacifiquement avec les Israéliens.
Dès le début de ce conflit, et pendant cinq ans, Emad filme les actions entreprises par les habitants de Bil’in. Avec sa caméra, achetée lors de la naissance de son quatrième enfant, il établit la chronique intime de la vie d’un village en ébullition, dressant le portrait des siens, famille et amis, tels qu’ils sont affectés par ce conflit sans fin.
Lire l’entretien avec Emad Burnat et Guy Davidi sur le site du Blog documentaire
« Comment rendre par les mots l’effet merveilleux que m’a fait ce film qui n’en est pas vraiment un au départ et le devient progressivement, au fil des plans, nous délivrant au passage une des plus simples et belles leçons de cinéma qu’il nous ait été donné de suivre depuis longtemps. Le cinéma vit encore ! Il est aux mains des amateurs ! Il palpite encore et peut nous amener dans cette zone incertaine où l’on sent que l’image est moins que la chose elle-même mais plus qu’un simple signe… Elle y est une expérience du réel, vécue réellement par le spectateur. Emad Burnat revient aux bases de l’expression cinématographique, par la simplicité de son oeil candide, par la modestie douce de sa voix dans laquelle la langue arabe roule, coule, permettant aux images de se faire à son flux comme les cailloux au lit du ruisseau… [..]
Ce film est une grande réussite qui montre bien le chemin pour l’avenir d’un cinéma vraiment indépendant. Un mode de production familial et intime, qui ne se coupe pas d’un ancrage dans la réalité vécue, qui ne joue pas à l’objectivité du filmeur invisible, qui arrive au film par hasard, au fil des rushes. Et qui a quelque chose à dire et à montrer… Un film vernaculaire qui prend soudain, au moment de son montage, une dimension épique. Et une vie internationale dans les festivals… Et chose importante, c’est un film israélo-palestinien, en partie financé par des fonds nationaux israéliens, ayant remporté un prix à Jérusalem… Guy Davidi, documentariste israélien mobilisé contre le mur, a aidé Emad Burnat, l’amateur, à monter ses deux versions (une version de 52 mn. a été diffusée en octobre sur France 5) et à arriver au film à partir de bribes, de plus en plus poétiques, de cette réalité dure qu’il a vécue… des tirs de grenades contenant du gaz lacrymogène, des tirs de balles en caoutchouc, des tirs à balles réelles, des arrestations d’enfants de onze ans, un accident, des jours de coma, des jours de prison, des jours d’assignation à résidence et la mort de Phil, l’éléphant, l’ami activiste au regard d’ange, le vrai beau gosse du village, adoré des enfants, idéaliste, courant avec un cerf-volant le long de la barrière, et qui tombera sous les balles anonymes de l’armée à quelques pas d’Emad Burnat, qui le filme, avec colère, sans haine. »
Olivier Beuvelet pour Mediapart
Analyse du film par Camille Bui pour Le Blog documentaire