JEUDI 23 FEVRIER 2017 à 19 h 30 ▶ Le décalogue, de Krzysztof Kieślowski
Le décalogue
de Krzysztof Kieślowski
Pologne – 1989 – 2 x 60′
Inspirés des dix commandements de l’Ancien Testament, dix épisodes de moins d’une heure montrent les habitants d’un immeuble de Varsovie confrontés à des choix moraux majeurs. Comment réagir face au mensonge, à l’adultère, au meurtre ? Nous vous proposons les deux premiers épisodes de la série :
Le Décalogue 1 : Un seul Dieu tu adoreras (56 min)
Krzysztof élève seul son fils de onze ans, Paweł. Quand Paweł s’interroge sur la mort, les réponses qu’il reçoit sont contradictoires : son père, athée, lui parle de l’arrêt mécanique des organes, tandis que sa tante cherche à lui transmettre sa foi en Dieu. Lorsque Pawel découvre son cadeau de Noël, des patins à glace, Krzysztof l’autorise à les utiliser après avoir calculé sur un ordinateur que l’épaisseur de la glace du lac pourra supporter le poids de son fils.
Le Décalogue 2 : Tu ne commettras point de parjure (60 min)
Dorota est enceinte. Or son mari Andrzej, gravement malade, ignore qu’il n’est pas le père de l’enfant. Dorota doit-elle garder l’enfant ou avorter pour ne pas avoir à mentir à Andrzej s’il devait survivre? Pour guider ce choix, elle tente d’arracher au médecin d’Andrzej un pronostic vital. Ce dernier doit-il évoquer les chances de survie de son patient, et ainsi possiblement condamner la vie de l’enfant qu’elle porte ? Le médecin, qui a lui-même perdu sa famille pendant la guerre, refuse dans un premier temps de se prononcer.
Dossier de presse
Vingt ans après la disparition de Kieślowski, Le Décalogue a été restauré en numérique (2k) à partir des négatifs image originaux par la TVP (télévision publique polonaise) avec le soutien des chefs opérateurs. Série télévisuelle constituant un intime polar de l’âme, œuvre culte ayant bouleversé la critique et exercé une influence majeure sur de nombreux réalisateurs contemporains, Le Décalogue frappe aujourd’hui par sa modernité et continue de susciter une émotion intense : en filmant l’indicible, le pressentiment, l’émotion, le doute, Kieślowski pose un regard humaniste sur la question de la responsabilité et de la place de l’homme dans la société.
Quelques clefs
Les sources :
L’idée à l’origine du Décalogue remonte à 1983, avant le tournage de Sans Fin. Le coscénariste Krzysztof Piesiewicz propose de filmer les dix commandements. Son attention a été attirée par un polyptyque du XVème siècle accroché à la Galerie nationale de Varsovie (originaire de Gdańsk où il a été replacé depuis), et divisé en dix scènes peintes de la vie quotidienne. Il a aussi été marqué, comme beaucoup de personnes de sa génération, par les écrits sur l’éthique et les normes morales de la sociologue et philosophe polonaise Maria Ossowska. Kieślowski pense tout d’abord le projet irréalisable. Les deux scénaristes sont inquiets du poids du Décalogue, Kieślowski s’interroge : « Avions-nous le droit de traiter d’un sujet tellement universel, […] considéré comme sacré même pour ceux qui enfreignent les commandements ? Ces craintes sont faciles à comprendre dans un pays catholique comme la Pologne… ». Finalement, Kieślowski relève le défi pour la télévision polonaise. Le matériau de cette fiction sera, à nouveau, ancré dans la réalité. Stanisław Zawiśliński explique : « il n’y a aucune scène du scénario qui n’ait pas été vécue dans la vie de [Kieślowski ou Piesiewicz]. En tant qu’avocat, [ce dernier] avait des preuves, des dossiers… Et puis, il y avait les situations racontées par Hanna Krall à Kieślowski, et parfois les acteurs qui racontaient des histoires inspirées de la vie réelle… ».
Le tournage :
Le Décalogue est filmé dans le froid, souvent de nuit. La réalisation demande à Kieślowski une attention de tous les instants : « Je me souviens qu’il tournait pour trois films différents du Décalogue le même jour, dans le même bâtiment ! […] c’est une bonne idée de tout filmer [simultanément], mais comment pouvez-vous tout permuter dans votre tête, avec des acteurs et des cadreurs différents ? » se souvient sa fille Marta Kieślowska. L’équipe du Décalogue compose une autre fresque : les neuf chefs opérateurs [que l’on retrouve dans ses autres films], le coscénariste Krzysztof Piesiewicz et le musicien Zbigniew Preisner, dont la musique, entrecoupée de silences habités, participe à l’atmosphère, techniciens, assistants et proches de Kieślowski, sources d’inspiration, et les acteurs, travaillant souvent parallèlement dans les théâtres de Varsovie ou Cracovie. Au fil des épisodes, les visages des héros d’autres films apparaissent : Aleksander Bardini, chef d’orchestre de La Double Vie de Véronique, Zbigniew Zamachowski, Karol de Blanc ou Jerzy Stuhr, héros de La Cicatrice de Calme et de L’Amateur, etc.
Le choc cannois et le succès :
En 1987, le producteur de la série Krzysztof Zanussi fait la tournée des télévisions italiennes, allemandes et françaises, « proposant les droits pour des sommes très faibles, juste de quoi acheter la pellicule 35 mm ». Il essuie des refus, car on considère Kieślowski comme un cinéaste « local » : « un sujet si intime et étrange ne pouvait qu’avoir été conçu en Pologne ». Les festivals l’acceptent peu à peu. Lors de la projection de Tu ne tueras point à Cannes en 1988, la salle est sous le choc. Plusieurs spectateurs quittent la projection, crient à l’insupportable. Cet électrochoc (ajouté à la projection hors compétition des épisodes 1, 9 et 10 du Décalogue), propulse Kieślowski vers une renommée internationale tardive. La première mondiale de la série complète a lieu au Festival du Film de Venise en septembre 1989 (hors compétition, une « révélation » pour La Repubblica). Puis le succès vient : la BBC le diffuse, d’abord tard en soirée puis, au vu des chiffres d’audience, en prime time. « Tout le monde le regardait à la télévision ou allait au cinéma à des séances nocturnes non-stop, où l’on pouvait regarder les dix épisodes en une séance. » Les chaînes étrangères qui déclinent la proposition de co-production sont les mêmes qui rachètent plus tard les droits beaucoup plus cher, comme le confirme avec amusement Krzysztof Zanussi.
Février 1990 : première à la télévision polonaise avec une audience de l’ordre de 12 à 15 millions de spectateurs (plus d’un tiers de la population). « Le Décalogue est aujourd’hui considéré comme difficile, sophistiqué, alors que, quand il a été diffusé, il était destiné au grand public et à une heure de grande écoute. »
Décalogue vs Commandements :
L’ordre des commandements n’est pas exactement respecté, et le titre original ne comporte d’ailleurs qu’un numéro, les titres ayant été ajoutés dans un second temps. Jacek Petrycki (chef opérateur de nombreux films de la période polonaise de Kieślowski) souligne justement qu’une des raisons pour laquelle Le Décalogue a été si populaire, « c’est que ces dix films ne commentent pas directement les dix commandements […] il s’agit surtout de montrer que toute notre vie n’est pas si simple qu’on le pense. »
Le témoin :
Personnage emblématique de la série, un jeune homme apparaît à chaque épisode (sauf dans Le Décalogue 10). Dans le scénario, il n’est pas spécifié qu’il doit être joué par le même acteur ; il est même question que ce « jeune homme » ait un instrument de musique différent dans chaque épisode, une idée finalement écartée. Artur Barciś, l’acteur, n’a jamais pu obtenir de réponse claire de Kieślowski sur sa signification. Il répondait « Je ne sais pas, je ne sais pas… » Effectivement, sa nature exacte n’a jamais été révélée : ange ou témoin ? Il semble correspondre à un point de vue, peut-être surnaturel… Pour le jouer, le comédien imaginait donc « être un mystère ». Dans Le Décalogue 5, le témoin arrête le taxi à un chantier, regarde Jacek et secoue la tête, comme pour le dissuader. Il passe ensuite dans la prison revêtu d’un habit de peintre. Dans le scénario, il semble même qu’il observe Jacek à travers le mur de la cellule.
Critique très complète de l’ensemble du Décalogue : Le blog du cinéma
Les projections en entrée libre – dans la limite des places disponibles – se déroulent à Paris, dans le 2e arrondissement, près de la rue Montorgueil :
Salle Jean Dame, Centre sportif Jean Dame17 rue Léopold BellanMetro : Sentier (L3) ou Les Halles