MERCREDI 30 NOVEMBRE 2022 à 20 h : Les Rendez-vous du samedi, d’Antonin Perejatko
Les Rendez-vous du samedi
d’Antonin Perejatko
France – 2022 – 52’
Romanesque et lumineux, ce poème visuel tourné en 16mm mêle le récit léger de rencontres amoureuses à Paris dans un contexte de manifestations des Gilets jaunes. Fiction, réalité et dystopie se mêlent avec humour et nostalgie.
Télérama – Michel Bezbakh
« Les Rendez-vous du samedi » : chez Antonin Peretjatko, la poésie est politique.
Rare et inédit : voilà qui colle parfaitement au nouveau film d’Antonin Peretjatko. Cette perle de cinquante minutes, que le cinéaste a entièrement tournée lui-même avec sa caméra 16 mm, mélange le grain de la pellicule, la 3D, le split screen, des airs de Vivaldi, Prokofiev, Liszt, Saint-Saëns, des bruitages cartoonesques, un narrateur qui cite Prévert, Cocteau, Aragon, des images d’une grande violence, des images d’une grande douceur. […]
Un homme, qu’on imagine tenir la caméra, commente des images (impressionnantes) tournées pendant le mouvement des Gilets jaunes et la crise du Covid. Dans le premier espace-temps, il rencontre des jolies filles au sommet de la tour Eiffel et des policiers moins sympas sur les pavés. Dans le second, il tente de communiquer avec les autres en grimpant sur les toits de Paris. « Révolté, ou amoureux, je pourchasse un fantôme qui m’échappe perpétuellement. »
Shellac
Tous les samedis, Pierre Bolex retrouve Sophie à la tour Eiffel. Sur les toits de Paris, il fait la connaissance de Domino, puis de Valentina et Héloïse. Tout en se laissant entraîner par sa passion pour les femmes qu’il rencontre, le narrateur affronte notre accablante réalité, le mouvement des Gilets jaunes puis le confinement causé par la crise sanitaire. Antonin Perejatko montre qu’il y a de l’art dans la révolte. Il pose un œil d’artiste sur le monde, sur ses violences et sa beauté et nous invite au rêve, ce vieux moteur de toutes les luttes.
Les bruits des feux d’artifices s’élançant dans le ciel font désormais place aux explosions des tirs de lanceurs de balles de défense. Alors qu’horizontalité et verticalité s’affrontent, pour échapper à la violence et aux lois de la rue, les personnages n’ont d’autres solutions que celle de s’élever sur les plus hauts lieux de la capitale.
Depuis son point de hauteur, Domino, invite le spectateur à observer le reflet de la réalité. Si elle communique en morse grâce au soleil et à un miroir, elle regarde également la ville au travers de ses jumelles. Dès lors, grâce à un procédé de diplopie, l’écran de cinéma se divise, nous montrant plusieurs plans en simultané – la question de la vue étant non sans rappeler les manifestants l’ayant perdue (ou partiellement perdue) à la suite d’affrontements avec des CRS. Les images apparaissent, disparaissent, se répondent, se baladent et se remplacent.
Nous avons ici à nouveau rendez-vous avec l’un des sujets chers au cinéma de Peretjatko (dans ses courts et longs-métrages, qu’il s’agisse de documentaires ou de fictions) : la révolution française, le soulèvement du peuple. Nous retrouvions déjà dans French Kiss (2006) et dans La fille du 14 juillet (2013) des images de Chirac, Sarkozy et Hollande filmés à l’occasion des défilés de fêtes nationales mais aussi la présence de violences de rue et policières, de guillotines, etc. Pour citer Max Gallo : « Un évènement de l’ampleur de la révolution française n’est jamais terminé ». En prenant la suite de Jean-Luc Godard ou Chris Marker, Peretjatko continue de dépeindre avec justesse, sarcasme et humour l’éveil de la liberté (comme l’écrivait Hugo).
Dans Les rendez-vous du Samedi, le réalisateur nous invite à un nouveau type de rencontre. Celle d’un cinéma où réel et fiction s’entremêlent dans différentes dimensions. Celle d’une œuvre en marge des circuits de distribution et d’exploitation, pour qui, semble-t-il, la nature du format (un moyen-métrage de 53min) et le sujet contesté, empêchent le partage de la singularité du contenu d’un poète en sons et images des temps modernes. Mais comme le formule lui-même le cinéaste « dans l’existence seuls les rêves ne s’évaporent pas » …
FID Marseille – Claire Lasolle
Les Rendez-vous du samedi tisse deux temps qui semblent étrangers l’un à l’autre : Les Gilets Jaunes et le temps suspendu des confinements successifs, pour mieux les inscrire dans une continuité politique. Alors, à l’insouciance schizophrénique et amnésique, surjouée et bouffonne, répondent un retour en images et un geste de cinéaste qui, parti filmé caméra 35 mm au poing ces rendez-vous du samedi, dangereux et plus enfiévrés que des retrouvailles amoureuses, use moins de la pellicule pour sa valeur esthétique que pour nous dire avec ferveur : « j’y étais ».
Les projections en entrée libre – dans la limite des places disponibles – se déroulent à Paris, dans le 2e arrondissement, près de la rue Montorgueil :
Salle Jean Dame, Centre sportif Jean Dame17 rue Léopold BellanMetro : Sentier (L3) ou Les Halles