JEUDI 25 JANVIER 2024 à 19 h 30 : Le Goût de la cerise, d’Abbas Kiarostami
Le Goût de la cerise
d’Abbas Kiarostami
Iran – 1997 – Vostf – 1h 39’
Version restaurée 4K
Avec Homayoun Ershadi, Ahdolrahman Bagheri, Safar Ali Moradi
Un homme d’une cinquantaine d’années cherche quelqu’un qui aurait besoin d’argent pour effectuer une mission assez spéciale. Au cours de sa quête, il rencontre dans la banlieue de Téhéran un soldat, un étudiant en théologie et un gardien de musée, vivant à la limite de la marginalité. Chacun va réagir à sa proposition de façon différente.
Olivier Père – Arte
Le Goût de la cerise est un film charnière dans l’œuvre du cinéaste iranien, qui ouvre sur la dernière partie de sa filmographie, plus conceptuelle et portée sur des dispositifs audiovisuels, tendance qui s’épanouira avec l’arrivée du numérique. Le Goût de la cerise est caractéristique du cinéma de Kiarostami. La voiture, à la fois habitacle intime et ouverture sur le monde, y joue un rôle primordial. Kiarostami invente une voiture cinéma qui est à la fois écran de projection et caméra, permettant littéralement au film d’avancer, de traverser plusieurs phases du récit. Ce dernier est volontairement mystérieux au début : un homme parcourt des paysages urbains dans sa grosse voiture et cherche à entrer en contact avec d’autres hommes, des piétons, en les invitant à monter dans le véhicule. Kiarostami entretient le doute sur les intentions du conducteur. L’hypothèse de la drague homosexuelle surgit dans l’esprit du spectateur, même si elle n’est jamais encouragée par le cinéaste. Une tension – davantage qu’un suspens – s’installe, liée à la quête du personnage et au travail du spectateur qui cherche à comprendre ce qui se passe. Lorsque l’homme dévoile enfin ses intentions – trouver un complice qui puisse lui donner un coup de main pour son projet de suicide, le film se transforme en réflexion sur l’existence. Les interventions de trois passagers – un jeune soldat, un séminariste, un vieux taxidermiste –expriment des points de vue différents sur le projet du conducteur. Celui du vieil homme, qui se lance dans un plaidoyer poétique et hédoniste sur l’amour de la vie, correspond sans doute à celui du cinéaste, mais il n’écrase pas les autres, plus conservateurs et marqués par la religion – le suicide est tabou en Iran. Les paysages changent, nous passons des banlieues pauvres à une campagne désertique. Le voyage n’est pas seulement géographique il est aussi mental, onirique : sensation encouragée par le déroulement hypnotique du film, doux et limpide. Le Goût de la cerise, malgré une trame minimaliste, parvient à accueillir non seulement les multiples facettes de l’Iran – ethniques, sociales, culturelles, religieuses – mais aussi toute l’humanité et même tout le cinéma, serait-on tenter de dire. Le film qui privilégie le plan séquence n’a rien d’un documentaire mais fourmille de détails, d’indices qui renseignent le spectateur sur le monde de son tournage autant que sur son sujet. A l’espace confiné de la voiture succèdent des plans larges sur la campagne iranienne. Les routes en zigzags qu’affectionne le cinéaste symbolisent les mouvements de la vie. L’épilogue énigmatique, geste génial de cinéma, interrompt la fiction avant toute forme de résolution pour dévoiler un au-delà du film, celui de sa préparation, dans une ambiance de joie et de communion. L’image 35mm cède la place à la vidéo, et cette brisure finale annonce d’autres essais cinématographiques à venir de Kiarostami, plus expérimentaux, comme Ten.
Les projections en entrée libre – dans la limite des places disponibles – se déroulent à Paris, dans le 2e arrondissement, près de la rue Montorgueil :
Salle Jean Dame, Centre sportif Jean Dame17 rue Léopold BellanMetro : Sentier (L3) ou Les Halles