VENDREDI 14 JUIN 2013 à 19 H 30 ▶ Mafrouza Que faire ?, de Emmanuelle Demoris
Mafrouza Que faire ?
de Emmanuelle Demoris
France – 2010 – 2h32′
Mafrouza est un cycle de cinq films d’Emmanuelle Demoris tourné à Mafrouza, quartier informel d’Alexandrie construit par ses habitants sur le site et les vestiges d’une nécropole gréco-romaine.
Nous avions diffusé le 28 septembre 2012 le premier volet de Mafrouza.
Mafrouza raconte les histoires de quelques personnes du quartier dont les destins changent au fil de quelques années. Un couple à la recherche du bonheur, un épicier-cheikh humaniste, un voyouchanteur en quête de chemins libres, un solitaire au logement inondé, une paysanne et son four à pain, une famille de chiffonniers, une jeune lutteuse. Autant de personnages qui seront des romans, et que le film découvre en avançant dans le labyrinthe des ruelles. Tous semblent portés par une incroyable force de vivre, quelque chose comme une folle aptitude au bonheur qui défie les conditions de la vie matérielle, dure à Mafrouza. Tous ont l’humanité tenace et manifestent une grande liberté de pensée et de parole, qui est aussi invention permanente. Car, de même qu’ils bricolent les objets pour les adapter aux nécessités de la survie, les gens de Mafrouza transforment leur vie de chaque jour par le jeu et l’imaginaire. Ainsi une scène conjugale devient comédie, la construction d’un four tourne à l’épopée, la bataille politique se fait fable. Mafrouza tisse la chronique polyphonique de cet univers en déployant ses multiples facettes au fil des cinq volets du cycle, chacun autonome. La durée du cycle et de chaque film donne à cette plongée son émotion et sa complexité. Elle donne à rentrer véritablement dans ce monde en partageant les événements avec ses personnages. Elle donne le temps d’un regard en mouvement, un regard amoureux mais sans idéalisation, qui saisit la force vive du quartier à travers ses complexités et contradictions. Et l’on suit les mouvements de ce regard car le film nous donne à partager l’expérience et l’implication de la cinéaste en racontant aussi la rencontre entre les gens de Mafrouza et celle qui vient les filmer. Depuis les premières rencontres en 1999 jusqu’à la fin du tournage en 2004, on découvre l’évolution de ce rapport et de ses interactions, qui posent des questions de cinéma et interrogent le regard que nous portons sur l’autre. Car si Mafrouza donne l’occasion de battre en brèche les idées reçues sur les pauvres, l’Orient ou l’islam, il questionne aussi en miroir notre façon de vivre et de regarder (en Europe ou ailleurs). Et c’est par cette réciprocité qu’il ouvre un espace où peuvent se rencontrer le spectateur et les gens de Mafrouza. (L’ordre des cinq parties est chronologique, mais le cycle peut se voir aussi bien dans l’ordre que dans le désordre et chacun des films peut également se voir isolément.)
Mafrouza Que faire ? (Mafrouza 3)
C’est la fin de l’été. On en partage la douceur avec quelques personnes de Mafrouza, dans un rapport maintenant confiant, proche et familier. On suit le fil de leur temps qui s’invente au présent, sans programme ni prévision. Actes graves ou passe-temps frivoles, chacun invente chaque jour les chemins d’une étrange joie de vivre, faite d’ardeur, de transe et d’intériorité. Abu Hosny répare sa maison inondée, Hassan erre et chante dans les nuits blanches, Mohamed Khattab fait le sermon, Adel et Samia attendent un enfant. Tous prennent aussi la parole pour dire leurs choix, leurs façons d’être au monde et d’être avec les autres. Et pour dire leur goût de la liberté, celle-là qui s’exprime au fil des errances et des rires, des cigarettes et du thé partagés avec la caméra en ces derniers jours d’août.
Extraits de la revue de presse
Que faire ? est une ode à la liberté qui vaut pour leçon de vie.
Libération – Philippe Azoury
Intimiste et sociétal, poétique et politique, brut de brut et romanesque, concret et symbolique, comique et tragique, rude et sensuel, embrassant le global et le particulier, la maison et le monde, l’injustice sociale et l’énergie de vivre, ode à l’esprit de résistance, Mafrouza est un film juste indispensable.
Les Inrockuptibles – Serge Kaganski
Vaste chronique polyphonique non pas « sur » mais « avec » les habitants de ce quartier défavorisé alors surveillé par la police égyptienne, qui suspectait d’espionnage quiconque s’intéressait de trop près à la pauvreté, Mafrouza est à la fois élégie de la simplicité et poème politique sur la dignité de ceux qui n’ont rien, ou si peu. Impertinents, imprévisibles, conteurs de leur propre existence, les habitants du bidonville forment une armée d’insoumis qui brise un à un les préjugés sur la misère, la religion, les rapports entre les sexes.
Politis – Cédric Mal
En filmant les habitants de Mafrouza, Emmanuelle Demoris accepte en même temps qu’ils la regardent, avec curiosité, soupçon, amitié, et parfois colère. Loin des théories d’un bassin méditerranéen en proie aux chocs des civilisations ou aux guerres de religion, Mafrouza dévoile un monde où les combats se mènent contre la fatalité plutôt qu’entre les hommes.
Critikat – Alice Leroy
Extrait de la note d’intention de la réalisatrice
J’avais découvert Mafrouza et sa nécropole à l’occasion d’un voyage d’enquête pour un film sur le rapport des vivants et des morts. Filmant les vestiges archéologiques, j’avais rencontré plusieurs personnes du quartier, parlé avec eux de l’au-delà et de l’ici-bas. Cette rencontre a été une expérience marquante. J’ai rarement vu des personnes dont je dirais qu’elles résistent pareillement à la peur et à la tristesse. Et cette chaleur humaine tenait à leur liberté de pensée et d’expression, à leur capacité d’exprimer les sentiments, et aussi à leur constante attention à l’autre. C’est pour cela que je décidais d’y consacrer un film et pour cela que j’y suis retournée, pour y filmer pendant deux ans (non plus les morts mais les vivants de Mafrouza). C’est pour cela que je décidais d’y consacrer un film et pour cela que j’y suis retournée, pour y filmer pendant deux ans (non plus les morts mais les vivants de Mafrouza). Je filmais pour comprendre et montrer les clés de cette surprenante vitalité. J’ai très vite rencontré le petit noyau de personnes qui sont devenus les personnages du film et nous avons partagé les questions qui animaient ma recherche. Je me demandais comment tenait l’équilibre fragile et un peu miraculeux du quartier. Mes questions concernaient les fondements des rapports humains, sociaux ou individuels, amoureux, familiaux ou de voisinage. Je formulais ces questions à propos du quartier, mais elles trouvaient aussi des échos dans mon expérience de la vie à Paris, que j’exposais. L’idée n’était pas de faire un film « sur » le quartier mais de traiter ces interrogations « avec » ce petit groupe de personnes, en partant de ce que nous avons en commun et non de nos différences. La question était de trouver comment filmer dans ce quartier en échappant aux généralisations, identitaires ou civilisationnelles.
Télécharger le dossier de presse : note d’intention de la réalisatrice, description des « gens de Mafrouza », principaux protagonistes du documentaire
Vous trouverez un interview d’Emmanuelle Demoris dans les archives de Toiles &toiles en date du 28 septembre 2012
Les projections en entrée libre – dans la limite des places disponibles – se déroulent à Paris, dans le 2e arrondissement, près de la rue Montorgueil :
Salle Jean Dame, Centre sportif Jean Dame17 rue Léopold BellanMetro : Sentier (L3) ou Les Halles