VENDREDI 13 FEVRIER 2015 à 20 h ▶ Braddock America, de Jean-Loïc Portron & Gabriella Kessler
Braddock America
de Jean-Loïc Portron & Gabriella Kessler
France – 2013 – 1h40′
Au Nord-est des Etats-Unis, la ville de Braddock, ancien bastion sidérurgique, a aujourd’hui perdu de sa superbe. Pourtant, une communauté ébauche au quotidien une action solidaire pour dessiner l’avenir.
Subtilement éclairé par des images d’hier et les voix des habitants de Braddock, survivants d’un passé révolu, unis dans leur volonté d’entreprendre et le désir de vivre ensemble, {Braddock America} est une allégorie. Le film raconte avec émotion l’histoire d’une ville américaine tout en racontant la nôtre : celle d’un Occident frappé par la désindustrialisation.
Pourtant, sous les coups des pelleteuses, l’herbe pousse encore et derrière les façades oxydées, des hommes vivent toujours.
Sous les images, la violence, la douleur, le désespoir, une ville fantôme…
Le combat d’habitants et d’anciens ouvriers,
pour ne pas sombrer, pour ne pas être rayés de la carte, pour ne pas être abandonnés comme les meubles de leurs voisins jetés à la rue,
le désir fou de se reconstruire sur des friches malgré les corps alourdis, derniers remparts contre l’oubli et les désillusions,
l’envie de croire qu’il est encore possible de réinventer la vie.
Béatrice Champanier, cinéaste – pour l’ACID
Extrait de la critique de Serge Kaganski dans Les Inrocks
« Un documentaire époustouflant sur une petite ville américaine, ancienne capitale de l’acier, devenue cimetière industriel.
Ce film est une baffe. Une baffe et une caresse. Comme une chanson de Woody Guthrie, Leadbelly ou Pete Seeger, comme un roman de Steinbeck, une série de photos de Walker Evans ou un film de John Ford.
Une claque qui vous remet les yeux en face des effets désastreux du libéralisme sans scrupule, une cajolerie qui réconforte en montrant la solidarité et la résistance qui s’organisent telles de fragiles lueurs au milieu des ténèbres. Ce film avait été présenté à Cannes par l’Acid, confirmant que cette section sous-médiatisée est l’une des plus fécondes du festival.
Vous avez peut-être entendu parler de la ville de Braddock à travers son maire, le fantasque et grunge John Fetterman, ou parce que cette bourgade de la banlieue de Pittsburgh est devenue un lieu de tournage prisé (dernier exemple : Les Brasiers de la colère de Scott Cooper, avec Christian Bale et Casey Affleck).
Le Français Jean-Loïc Portron et la Franco-Américaine Gabriella Kessler ont installé leur caméra et leur micro pendant quelques mois dans cette ville-symbole qui est en quelque sorte le Florange américain. Lieu d’une bataille historique préfondatrice, berceau de l’immense fortune d’Andrew Carnegie, Braddock fut la capitale de l’acier, la ville dont les ouvriers, suant leur race et payés au lance-pierre, édifièrent l’empire américain, ses infrastructures, ses gratte-ciel et ses armes.
De 20 000 habitants en son âge d’or (en 1920), la population de Braddock est tombée à 2 000 et quelques, au fur et à mesure du déclin de la sidérurgie et de la fermeture des usines. Abandonnée par les capitaines d’industrie qui trouvèrent marchés et main-d’œuvre moins chère sous d’autres latitudes, Braddock l’est aussi par les pouvoirs publics. Ironie amère, après avoir construit le pays, la petite ville n’a aujourd’hui même pas les moyens de détruire ses maisons inoccupées et insalubres.
Portron et Kessler ont filmé cette ruine capitaliste, ce cimetière industriel, selon trois options croisées : le paysage présent, entre ville-fantôme et village des damnés-résistants ; les archives qui évoquent ce que fut Braddock, images en noir et blanc qui sont la face documentaire de ce que furent les films de Vidor ou Eisenstein, et les habitants actuels de Braddock, interviewés face caméra. Le montage de ces trois régimes produit des effets aussi instructifs que bouleversants. La plupart des intervenants produisent une parole où l’on sent la fierté ouvrière, l’attachement à son lieu de vie et une fine compréhension des méfaits de l’ultralibéralisme. (…) »
DOSSIER DE PRESSE
Jean-Loïc Portron
Pourquoi avoir choisi de traverser l’Atlantique pour parler de la désindustrialisation qui fait rage en Europe et en France ?
Il faut parfois s’éloigner pour voir son propre monde sous un autre angle, avec des yeux neufs. J’ai voulu aborder un territoire qui m’était étranger. Me plonger dans l’inconnu, me laisser guider dans cet espace au gré des rencontres. Découvrir des paysages, rencontrer ceux qui y vivent, arpenter les lieux et me familiariser peu à peu. Sentir cet espace devenir non pas mien – je resterai toujours un étranger – mais proche, accessible. Les usines, l’acier, le monde ouvrier : j’en avais une connaissance plus théorique que réelle. C’est la même chose pour les États-Unis. J’en connaissais des fragments. J’en parlais la langue sans grande aisance, mais avec beaucoup de bonne volonté. Les États-Unis ont longtemps été un pays fantasmé : j’en écoutais la musique, je la jouais également, j’aimais ses écrivains, ses cinéastes, je rêvais de ses paysages. Un jour, je me suis dit qu’il était temps que l’imaginaire cède la place au réel et que je me confronte, au moins partiellement, à cet univers fantasmé.
Pourquoi votre choix s’est-il porté sur Braddock plutôt que Détroit ou Cleveland ?
Braddock s’est imposé à moi. J’ai été historien dans une autre vie. Je me suis souvenu d’un professeur qui avait fait allusion à un meurtre commis dans les forêts de l’Ohio : le jeune George Washington, le futur grand homme, avait tué par surprise un officier français quand l’Amérique était encore un territoire que se disputaient l’Angleterre et la France. Cette histoire m’était restée dans un coin de la tête. J’ai appris les conséquences de ce meurtre : les Français s’étaient vengés en humiliant Washington. Pour chasser les Français de la région, le roi d’Angleterre avait alors envoyé Braddock, son meilleur général qui fut massacré par une poignée de Français et d’Indiens. Cette bataille est importante dans l’histoire des États-Unis car elle déclenche la guerre de Sept ans qui évince les Français du Nord de l’Amérique et elle lance surtout un processus qui mène directement à la Révolution américaine. Sur Internet j’ai voulu voir le champ de bataille et en deux clics, je suis tombé sur une énorme acierie qu’Andrew Carnegie avait édifiée un siècle après la mort de Braddock. La première aciérie moderne des États-Unis, à l’origine d’un empire industriel considérable. En un sens, Braddock est le berceau de la puissance industrielle des États-Unis. J’ai trouvé cette histoire fascinante : un territoire microscopique, peuplé aujourd’hui par moins de 8 000 habitants et qui contenait dans son sol, comme dans les mémoires de ses habitants, une histoire inhabituelle des États-Unis. Ce territoire a été le lieu d’une bataille sans fin, toujours recommencée, contre les Français et les Indiens d’abord, puis contre les immigrants, contre les ouvriers, contre les syndicats, contre les « rouges ». Aujourd’hui, c’est une lutte contre l’abandon. Dans le film, la bataille initiale est furtivement évoquée mais c’est la bataille de l’acier et celle de la survie qui occupent les esprits. Ce combat est terriblement inégal car les habitants sont seuls et oubliés. L’État est inexistant. Si les habitants de Braddock veulent réinventer une vie, ils doivent faire bloc et retrouver une forme de solidarité. Personne d’autre ne les aidera à détruire les maisons abandonnées, à nettoyer les rues, à se protéger des chiens errants, à faire revivre le stade déserté ou à empêcher la fermeture de l’hôpital – ce combat-là, ils l’ont déjà perdu ; le pot de terre l’emporte rarement contre le pot de fer.
Votre approche de l’image est très travaillée. Était-ce une nécessité de mettre en avant une esthétique forte ? Ne craigniez-vous pas que cela mette en danger la portée du message ?
Il aurait été facile de faire de Braddock un repoussoir, une ville sinistre aux maisons condamnées. Facile et faux. Car Braddock, c’est beau aussi. Et cette beauté tient largement à l’attachement que ses habitants lui portent. Dans mes cadrages, dans ma manière de poser la caméra, de penser Braddock en images, je ne pouvais m’empêcher d’avoir en tête les cadres de Walker Evans, le grand photographe. Quand j’ai écrit le premier texte sur Braddock, je me suis souvenu d’une phrase de Louons maintenant les grands hommes, cet ouvrage de James Agee et Walker Evans, qui fait office de bible pour beaucoup de documentaristes. Agee écrivait à propos d’une photographie prise par Evans dans la cabane d’une famille de métayers, montrant un mur fait de planches disjointes où des calendriers publicitaires et des tickets de loterie sont punaisés : « Le mur de cloison dans la chambre à coucher des Gudger EST, d’une façon qui importe beaucoup, un grand poème tragique. » Braddock est un grand poème tragique. Et c’est ainsi que la ville devait apparaître. Alors une forme de beauté qui ne devait rien à l’intention ou au calcul pouvait émerger. C’est la grandeur de ses habitants, génération après génération, qui fait de Braddock un poème tragique.
Gabriella Kessler
Américaine de naissance, connaissiez-vous Braddock ? Est-ce une ville emblématique de la désindustrialisation et de la lutte ? Cela fait-il partie de votre imaginaire ?
Je suis née en France, de parents américains, mais j’ai grandi à New York, où j’ai continué mon éducation dans le système français. Je n’avais jamais entendu parler de Braddock avant que Jean-Loïc m’approche avec le sujet, et d’ailleurs je n’étais pas consciente du monde ouvrier. Je suis née dans un monde déjà en cours de désindustrialisation. Dans la vallée de la Monongahela, il n’y a aucune trace des aciéries qui surchargeaient le paysage. Il n’y a rien pour laisser deviner ce monde disparu à jamais. Pendant la crise de 2008, lorsque je lisais des articles sur le « automobile bailout », je ne saisissais pas qu’il s’agissait de sauver quelque chose de beaucoup plus important que des milliers d’emplois. C’était aussi une culture, une manière de travailler, de vivre, ce qu’on appelle en anglais « community ». Ce mot intraduisible en français est emblématique de la société américaine. Comme les Américains reçoivent très peu de soutien de la part de l’État, ils doivent compter sur leurs voisins. Aux États-Unis, « community » veut dire solidarité, des valeurs partagées, le lien partagé. Dans un endroit comme Braddock, il n’y a que le sens de « community » pour s’en sortir.
Ce film a été coréalisé avec Jean-Loïc Portron. Comment vous êtes vous rencontrés ? Comment vous êtes vous partagé le travail ? Que vous a apporté cette manière de travailler ?
J’ai rencontré Jean-Loïc en 2004 sur un documentaire qu’il réalisait pour la collection Foyers de Création, et qu’il filmait principalement à New York. Nous nous sommes découvert beaucoup de points communs, notamment le même plaisir de conduire sur les grandes autoroutes aux Etats-Unis en écoutant du rock américain. Mais il a fallu attendre six ans pour retravailler ensemble, lorsque Jean-Loïc m’a parlé de Braddock pour la première fois. J’habitais à l’époque à Brooklyn, mais Braddock me semblait à l’autre bout du monde, très loin de ma réalité new-yorkaise. Pourtant, lors de notre premier repérage, nous avons tous les deux senti un lien incroyablement fort avec la ville et ses habitants, et il semblait flagrant que c’était un film que nous devions réaliser ensemble. Nous formions une équipe à la fois évidente et improbable (différence d’âge, de culture, même de taille !) mais nous étions unis par notre amour pour Braddock, et je pense que ça se sentait, puisqu’on nous a rendu citoyens honoraires de North Braddock ! Jean-Loïc et moi formions l’équipe de tournage (avec un assistant caméra à de rares occasions) : Jean-Loïc à la caméra, moi au son. Cela créait une ambiance très familière, et facilitait les rencontres et les échanges. En tant qu’Américaine, j’étais responsable des prises de contact et je guidais les conversations filmées. L’ambiance très intime de Braddock America est un reflet de sa fabrication. Nous avons tout fait à deux – j’ai même repris le montage pendant plusieurs mois avant que Véronique, la monteuse, puisse mettre ses doigts de fées dessus ! On pourrait imaginer que ce serait dur pour une troisième personne de s’infiltrer à un stade avancé du film alors que Jean-Loïc et moi avions travaillé à deux pendant si longtemps, mais le duo s’est transformé en trio sans aucune difficulté. A ce stade du montage, nous connaissions tellement bien les rushes et l’histoire, que Véronique était non seulement nos yeux, mais elle nous a donné des ailes. Son énorme talent et sa détermination, ainsi que le dévouement extraordinaire de notre productrice, Christine Doublet (qui est si tenace et combattante qu’elle devait être Braddockienne dans une autre vie) font que Braddock America existe aujourd’hui.
Pouvez-vous nous parler de la publicité Levis ? Quel effet vouliez-vous produire ? Était-ce un choix commun avec Jean-Loïc ?
La publicité Levis nous a toujours hantés. Nous n’en étions pas conscients mais quand nous sommes arrivés pour un premier repérage en mai 2010, l’équipe de la pub venait de quitter Braddock. Il y avait donc une certaine confusion sur notre identité et nos intentions. La pub était l’inverse de toutes les intentions de notre film. En rentrant à Paris et en regardant nos rushes, il était évident que cette pub effaçait l’histoire d’une ville et de ses habitants en résumant trop simplement leur lutte. Le thème de cette campagne publicitaire est « Ready to work », comme si le chômage à Braddock était dû à la mauvaise volonté de ses habitants. L’enfant-narrateur dit : « Il y a longtemps, ici, les choses ont été cassées.Les gens sont devenus tristes et ils sont partis. Peut-être que le monde se brise délibérément pour nous donner du travail. », mais ce n’est pas à cause d’un accident ou d’une catastrophe naturelle comme le souligne l’un des intervenants du film. Cette simplification, à la limite du mensonge, démontre aussi comment on réécrit l’histoire au profit du capitalisme.
Le récit évolue vers une touche d’espoir ? Etait-ce écrit ou est-ce la rencontre avec les habitants de Braddock qui vous a fait évoluer vers plus de luminosité ?
Le récit n’évolue pas vers l’espoir, et personnellement ce n’était pas mon but. Je voudrais surtout une prise de conscience de ce qu’on a perdu et de ce qu’on continue à perdre. Ce qui est beau à Braddock, c’est la lutte. Malgré tout ce que les habitants ont subi, ils continuent à se battre. Ils sont conscients que Braddock ne retrouvera jamais la gloire qu’elle a connue mais ils ne baissent pas les bras et n’acceptent pas d’être réduits à un rôle de victimes.
Véronique Lagoarde-Ségot, monteuse
Braddock America est un film atypique dans sa forme : entre images d’archives, images contemporaines, témoignages fixes face caméra, déambulations de rue, comment s’appréhende tout ce matériel au montage ?
Dans Braddock America, c’est la manière d’ajuster les éléments entre eux qui est atypique. Nous savons, par expérience, qu’un plan « signifie » autant par lui-même que par son rapport avec les plans qui le suivent et le précèdent, et qu’il peut revêtir un sens opposé suivant le contexte et l’assemblage. Dans le montage de Braddock America, toute la difficulté résidait dans la juxtaposition et l’imbrication des plans. Que chacun résiste à une autonomie, mais que leur accouplement reflète le cheminement d’une pensée. Il fallait que les plans s’entrechoquent, déroutent par leurs différences, entraînent le spectateur dans un élan maîtrisé. Je voulais le montage de Braddock America comme une valse à trois temps (archive/entretien/tournage), sur une musique désaccordée, ou du moins qui semble désaccordée, mais qui, en réalité, est réglée comme du papier à musique. Faire place à l’audace, bousculer les caricatures et les idées reçues. Que la suite des plans dévoile le poids, la difficulté, le chaos de la situation en évitant toute fatalité. Pas de fatalité à Braddock, pas d’évidence, pas d’attendrissement. Le montage devait être à la hauteur des témoignages : purs, sincères, déroutants. Il fallait que le spectateur regarde Braddock America comme une errance à travers la violence et le combat des hommes en rupture avec leur environnement. D’où l’utilisation des travellings avec la symbolique de la route. La route n’est pas simplement un décor ; elle est initiatique ; elle nous conduit dans une introspection de l’Amerique actuelle.
Quelle est la spécificité d’un tel film par rapport à vos précédents travaux ?
La spécificité réside dans le statut des plans. Souvent l’archive est utilisée comme la caution d’une époque, l’argument d’une histoire réelle. Dans le cas de Braddock America, il n’en est rien. L’archive a le statut de mémoire, de convocation du passé ; elle est l’émergence d’une vie disparue. Les images d’archives sont en quelque sorte le passage à la postérité. Je les ai montées pour qu’elles soient les fantômes de Braddock, et non l’attestation des faits. Les images actuelles, que ce soit les maisons abandonnées ou les usines endormies, sont aussi les stigmates du passé ; des fantômes qui nous rappellent à la fois la mort mais aussi la vie. Cette métaphore de la mort est omniprésente dans le film, comme un contraste au témoignage de personnes bien vivantes et debout. Dean, le policier, recense la mort en déambulant dans les rues désertes ; sans vocation morbide, ces images nous mènent sur les chemins broyés par le capitalisme. Les entretiens en plans fixes, larges, face caméra, nous donnent à voir sans artifice la colère, la volonté, mais aussi la survivance des habitants. Ces plans épurés, lointains nous plongent d’emblée dans une sorte de familiarité avec les gens. Leur frontalité nous implique sans concession. Si loin, si proche, il s’en dégage une réelle simplicité, un réel partage. Les archives, les témoignages, les plans d’usines mortes, sont comme des réalités brutes qui ont apporté au film une singulière magie poétique. Brutes à la manière du métal que l’on travaille. Brutes comme la force et la résistance des habitants. Sans apitoiement, les hommes et les femmes parlent du passé ; ce mélange d’images n’ est pas monté pour le regret ou pour la plainte, mais pour la bravoure.
*Véronique Lagoarde-Ségot a monté depuis plus de 15 ans une cinquantaine de documentaires dont Cinq Caméras brisées de Guy Davidi et Emad Burnat récompensé en 2013 par un Emmy Award.
Valentin Portron, compositeur de la BO
Quelles ont été vos sources d’inspiration ?
Je suis guitariste et j’ai été bercé par la musique noire américaine. Mon frère Marceau m’accompagne depuis toujours, au sein d’un trio de rock beefheartien aux influences afro-électroniques. L’été de la création de Braddock America, j’écoutais beaucoup le guitariste américain John Fahey qui joue de longs morceaux instrumentaux en « picking ». Il crée une musique vivante en jouant sur les sonorités de la pièce dans laquelle il enregistre. À cette époque, j’écoutais aussi énormément le Ray Pacino Ensemble et Captain Beefheart. L’aspect sauvage et très rythmé de leur musique me dicte l’envie d’utiliser une batterie. Mon ami Lucas Lopez, batteur du groupe, me rejoint pour faire plusieurs enregistrements dirigés et improvisés. Une de ces sessions improvisées à la batterie et à la guitare électrique accompagne une archive à la fin du film.
Qu’est-ce qui vous a motivé pour vous investir dans ce projet ?
C’est la troisième collaboration avec mon père, le courant passe entre nous, les idées filent vite et bien. Nous avons une culture musicale commune et nous nous entendons sur l’émotion et l’instrumentation. Il m’accorde une confiance peu courante, il laisse le temps aux idées de se développer, la place à l’expérimentation et à l’innovation. Il ne se satisfait que de ce qui lui semble le plus juste. Ces exigences et la liberté qu’il m’offre me donnent l’occasion d’aller jusqu’au bout d’un travail très personnel.
Christine Doublet, productrice
Qu’est-ce qui a motivé votre choix de produire ce film ? Tout a démarré par le plaisir de la lecture d’un texte qui s’intitulait alors La Malengueulée (traduction de la Monongahela, nom indien de la rivière qui traverse cette vallée de l’acier) et pas encore Braddock America. Dans nos échanges, Jean-Loïc et moi partagions beaucoup nos goûts en matière de lecture. Je pense lui avoir donné l’envie de relire Sebald, auteur qu’il apprécie beaucoup et n’avait pas lu depuis longtemps. Est-ce cet échange qui l’a incité à me proposer ce texte qui existait dans ses tiroirs depuis un certain temps… ? Je ne saurais le dire ! Mais curieusement, je n’ai pas vu tout de suite la filiation évidente entre Sebald, certainement un des écrivains les plus « documentaristes » du XXe siècle, et le texte de Jean-Loïc. J’étais tout à l’enthousiasme de la lecture d’un très bon texte sur un sujet qui me paraissait tout à la fois d’une proximité remarquable avec notre propre histoire et qui, dans le même temps, promettait de raconter une Amérique à rebours des lieux communs que nous formons à son propos. Et il aura fallu la lecture plus tardive du scénario développé par Jean-Loïc Portron en vue de l’Avance sur Recette, pour qu’une voix amie, celle, lointaine et bienveillante, de Thierry Garrel, vienne, outre ses encouragements très vifs, souligner la parenté du texte de Jean-Loïc Portron avec l’écriture de l’illustre écrivain allemand. Un de ces signes forts qui vous donne confiance dans les motivations d’un choix personnel !
Les projections en entrée libre – dans la limite des places disponibles – se déroulent à Paris, dans le 2e arrondissement, près de la rue Montorgueil :
Salle Jean Dame, Centre sportif Jean Dame17 rue Léopold BellanMetro : Sentier (L3) ou Les Halles