MERCREDI 9 OCTOBRE 2019 à 20 h : Le Temps des forêts, de François-Xavier Drouet

Le Temps des forêts
de François-Xavier Drouet
France – 2018 – 1h 43′
Symbole aux yeux des urbains d’une nature authentique, la forêt française vit une phase d’industrialisation sans précédent. Mécanisation lourde, monocultures, engrais et pesticides, la gestion forestière suit à vitesse accélérée le modèle agricole intensif. Du Limousin aux Landes, du Morvan aux Vosges, Le Temps des forêts propose un voyage au cœur de la sylviculture industrielle et de ses alternatives. Forêt vivante ou désert boisé, les choix d’aujourd’hui dessineront le paysage de demain.
Entretien avec François-Xavier Drouet
Pourquoi vous êtes-vous intéressé aux forêts ?
Je suis arrivé il y a dix ans sur le plateau de Millevaches en Limousin, une zone boisée à 70 %. Je ne connaissais alors rien aux forêts. Ces grands massifs de résineux m’évoquaient le Canada et me semblaient tout ce qu’il y a de plus naturel. J’ai vite compris que ces monocultures n’avaient rien de spontané et que la biodiversité sous ces conifères était très pauvre. Au détour de chemins, j’ai découvert des dizaines d’hectares coupés à blanc, des paysages saccagés, des sols et des rivières dévastés par les machines… Quelques semaines après, on replantait sur ces champs de ruines des petits sapins gavés d’engrais et de pesticides. En faisant ce film, j’ai voulu comprendre ce système que personne ne semblait questionner, comme s’il était le seul modèle possible pour produire du bois. Comme le dit un intervenant dans le film, on a tendance à penser la menace qui pèse sur la forêt en termes de déforestation. Le problème qui se pose en France est plutôt celui de la « malforestation ». Quelle forêt voulons-nous pour demain? Un champ d’arbres artificiel ou un espace naturel vivant ?C’est la question que pose Le Temps des forêts.
Comment les forestiers vivent-ils ces bouleversements ?
Tous témoignent d’un changement brutal du travail en forêt depuis la fin des années 1990. Même dans des régions de tradition forestière, comme l’Alsace et la Lorraine, on voit s’imposer ces formes de sylviculture ultra-simplifiées, calquées sur le modèle agricole productiviste, où le forestier n’est plus qu’un récolteur de bois. Ce n’est souvent pas la conception qu’ils ont de leur métier. Cette pression génère chez ceux qui résistent une grande souffrance éthique, dont la face visible est la vague de suicides qui secoue l’ONF depuis les années 2000. Beaucoup ont pourtant du mal à exprimer leurs doutes publiquement. Il y a une forme d’omerta en forêt. L’ONF verrouille sa communication, imposant aux agents un devoir de réserve. La filière bois est aussi un monde presque exclusivement masculin, assez brutal, où il n’est pas bien vu de critiquer ou de montrer sa sensibilité. On est vite taxé de doux rêveur ou, pire, d’écologiste !
Un mot sur la forme du film ?
C’est un film de paroles, où les mots interagissent avec le paysage. J’ai voulu m’éloigner de l’esthétique traditionnelle des documentaires naturalistes qui montrent souvent une forêt mythifiée, sublimée, un peu carte postale, qui n’est pas vraiment celle que l’on rencontre au quotidien. Le cœur du film n’est pas la forêt, mais ceux qui la travaillent et le rapport qu’ils entretiennent avec le vivant : la collaboration pour certains, l’opposition pour d’autres. J’ai filmé à hauteur d’homme, en tâchant d’inscrire les personnages dans leur milieu, de montrer les logiques de chacun, sans juger. J’espère qu’au terme de ce film, le spectateur ne regardera plus la forêt de la même manière et qu’il saura lire les contradictions qui la traversent.
Comment s’est passé le tournage ?
La filière bois est très soucieuse de s